Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 1, Amyot, 1846.djvu/261

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guise un beau jour en étranger non suspect, tel que moi, et qu’il vienne à Kronstadt pour voir de ses yeux que c’est que d’entrer en Russie. »

“ À quoi bon, » reprit le prince, l’Empereur n’y pourrait rien.

— L’Empereur, non, mais le ministre ! »

Enfin, nous partons, à la grande joie des princes et princesses russes qui vont retrouver famille et patrie : le bonheur qui se peignait sur leur physionomie démentait les observations de mon aubergiste de Lubeck, à moins que cette fois encore l’exception ne confirme la règle. Mais moi, je ne me réjouissais pas, je craignais au contraire de quitter une société charmante pour aller me perdre dans une ville dont les abords m’attristaient ; elle n’existait déjà plus cette société du hasard : dès la veille, à l’approche de la terre, nos liens s’étaient rompus ! liens fragiles formés uniquement par les passagères nécessités du voyage.

Ainsi le vent qui souffle vers le soir amoncelle des nuages à l’horizon : la lumière du couchant les illumine en variant leur aspect, leurs formes répondent aux rêves de l’imagination la plus riante ; ce ne sont que palais enchantés et peuplés d’êtres fantastiques, que nymphes, que déesses, menant leur ronde joyeuse dans l’espace éthéré ; on ne voit que des grottes ha bitées par des sirènes, que des îles flottant sur une