Aller au contenu

Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 1, Amyot, 1846.djvu/273

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

mêmes bas-fonds ornés des mêmes broussailles pour tout paysage, si ce n’est en vous dirigeant vers la Suède et la Finlande. Là, vous verriez une succession de petits rocs granitiques hérissés de pins qui changent l’aspect du terrain, sans varier beaucoup les paysages : vous pouvez bien penser que la tristesse d’une telle contrée n’est guère égayée par les lignes de petites colonnes que les hommes ont cru devoir bâtir sur cette terre plate et nue. Pour socle à des péristyles grecs, il faudrait des monts : il n’y a ici nul accord entre les inventions de l’homme et les données de la nature, et ce manque d’harmonie me choque à chaque instant ; j’éprouve en me promenant dans cette ville le malaise qu’on ressent quand il faut causer avec une personne minaudière. Le portique, ornement aérien, est ici une gêne ajoutée à celle du climat : en un mot le goût des monuments sans goût est ce qui a présidé à la fondation et à l’agrandissement de Pétersbourg. Le contre-sens me paraît ce qu’il y a de plus caractéristique dans l’architecture de cette immense ville qui me fait l’effet d’une fabrique de mauvais style dans un parc ; mais le parc, c’est le tiers du monde, et l’architecte : Pierre le Grand.

Aussi quelque choqué qu’on soit des sottes imitations qui gâtent l’aspect de Pétersbourg, ne peut-on contempler sans une sorte d’admiration cette ville sortie de la mer à la voix d’un homme, et qui pour