Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 1, Amyot, 1846.djvu/272

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c’est le gâter, on devrait copier strictement les modèles, ou inventer. Au surplus, la reproduction des monuments d’Athènes, si fidèle qu’on la suppose, serait perdue dans une plaine fangeuse toujours menacée d’être submergée par une eau à peu près aussi haute que le sol. Ici la nature demandait aux hommes tout le contraire de ce qu’ils ont imaginé ; au lieu d’imiter les temples païens, il fallait s’entourer de constructions aux formes hardies, aux lignes verticales pour percer les brumes d’un ciel polaire, et pour rompre la monotone surface des steppes humides et gris qui forment à perte de vue et d’imagination le territoire de Pétersbourg. L’architecture propre à un tel pays, ce n’était pas la colonne du Parthénon, la coupole du Panthéon, c’était la tour de Pékin. C’est à l’homme de bâtir des montagnes dans une contrée à laquelle la nature a refusé tout mouvement de terrain. Je commence à comprendre pourquoi les Russes nous engagent avec tant d’instance à venir les voir pendant l’hiver : six pieds de neige cacheraient tout cela, tandis qu’en été on voit le pays.

Parcourez le territoire de Pétersbourg et des provinces voisines, vous n’y trouverez, m’a-t-on dit, pendant des centaines de lieues que des flaques d’eau, des pins rabougris, et des bouleaux à la sombre verdure. Certes, le linceul de l’hiver vaut mieux que la grise végétation de la belle saison. Toujours les