Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 1, Amyot, 1846.djvu/281

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obéissance involontaire, car cette vertu est innée et forcée chez les Russes, étaient enfermés dans des salles chauffées à 30 degrés, afin d’en sécher plus vite les murailles. Ainsi ces malheureux subissaient, en entrant et en sortant de ce séjour de mort, devenu, grâce à leur sacrifice, l’asile des vanités, de la magnificence et du plaisir, une différence de température de 50 à 60 degrés.

Les travaux des mines de l’Oural sont moins contraires à la vie ; pourtant les ouvriers employés à Pétersbourg n’étaient pas des malfaiteurs. On m’a conté que ceux de ces infortunés qui peignaient l’intérieur des salles les plus chauffées, étaient obligés de mettre sur leurs têtes des espèces de bonnets de glace, afin de pouvoir conserver l’usage de leurs sens sous la température brûlante qu’ils étaient condamnés à supporter pendant tout le temps de leur travail. On voudrait nous dégoûter des arts, de la dorure, du luxe et de toutes les pompes des cours, qu’on n’y pourrait travailler d’une manière plus efficace. Néanmoins le souverain était appelé Père par tant d’hommes immolés sous ses yeux dans un but de pure vanité impériale.

Je me sens mal à l’aise à Pétersbourg depuis que j’ai vu ce palais et qu’on m’a dit ce qu’il a coûté d’hommes. Ce ne sont ni des espions ni des Russes moqueurs qui m’ont donné ces détails, j’en garantis l’authenticité.