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Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 1, Amyot, 1846.djvu/282

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Les millions de Versailles ont nourri autant de familles d’ouvriers français que ces douze mois du palais d’hiver ont tué de serfs slaves ; mais, moyennant ce sacrifice, la parole de l’Empereur a réalisé des prodiges, et le palais terminé, à la satisfaction générale, va être inauguré par les fêtes d’un mariage. Un prince peut être populaire en Russie sans attacher grand prix à la vie des hommes. Rien de colossal ne s’obtient sans peine ; mais quand un homme est à lui seul la nation et le gouvernement, il devrait s’imposer la loi de n’employer les grands ressorts de la machine qu’il fait mouvoir qu’à atteindre un but digne de l’effort.

Il me semble que, même dans l’intérêt bien entendu de son pouvoir, l’Empereur aurait pu accorder un an de plus aux gens de l’art pour réparer les désastres de l’incendie.

Un souverain absolu a tort de dire qu’il est pressé : il doit avant tout redouter le zèle de ses créatures, lesquelles peuvent se servir d’une parole du maître, innocente en apparence, comme d’un glaive pour opérer des miracles, mais aux dépens de la vie d’une armée d’esclaves ! C’est grand, trop grand, car Dieu et les hommes finissent par tirer vengeance de ces inhumains prodiges ; il y a imprudence pour ne rien dire de plus de la part du prince à mettre à si haut prix une satisfaction d’orgueil : mais le renom qu’ils