Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 1, Amyot, 1846.djvu/300

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Russie pour y recueillir le fruit de la renommée qu’ils avaient acquise ailleurs, n’y sont-ils restés qu’un instant, ou, s’ils ont prolongé leur séjour, ils ont nui à leur talent. L’air de ce pays est contraire aux arts ; tout ce qui vient naturellement ailleurs ne pousse ici qu’en serre chaude. L’art russe ne sera jamais qu’une plante de jardin.

En arrivant à l’hôtel de Coulon, j’y ai trouvé un aubergiste français dégénéré ; sa maison est à peu près remplie de monde en ce moment à cause des fêtes du mariage de la grande-duchesse Marie, et il me parut presque contrarié d’être obligé de recevoir un hôte de plus ; aussi s’est-il donné peu de peine pour m’accommoder. Après quelques allées et venues et beaucoup de pourparlers, il m’a pourtant établi au second, dans un appartement étouffant, composé d’une entrée, d’un salon et d’une chambre à coucher ; le tout sans rideaux, sans stores, sans jalousies ; notez que le soleil reste environ vingt-deux heures par jour sur l’horizon, et que ses rayons obliques pénètrent plus loin dans les maisons que le soleil d’Afrique qui tombe d’aplomb sur les têtes, mais qui n’entre pas au fond des chambres. On respire dans ce logement une atmosphère de plâtre, des odeurs de four à chaux, de poussière, et de vivantes exhalaisons d’insectes mêlées de musc, tout à fait insupportables.

À peine installé, la fatigue de la nuit et de la ma-