Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 1, Amyot, 1846.djvu/301

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tinée, l’ennui de la douane ont vaincu ma curiosité : au lieu d’aller me perdre dans Pétersbourg en errant selon mon habitude, seul, au hasard, à travers la grande ville inconnue, je me jetai tout enveloppé dans mon manteau sur un immense sofa de cuir, vert bouteille, qui tenait presque un panneau du salon, et je m’endormis profondément pendant… trois minutes.

Au bout de ce temps, je m’éveille avec la fièvre : et que vois-je en jetant les yeux sur mon manteau ?… un tissu brun, mais vivant ; il faut appeler les choses par leur nom : je suis couvert, je suis mangé de punaises. La Russie, en ce genre, n’a rien à envier aux Espagnes. Mais dans le Midi on se console, on se guérit au grand air ; ici on reste emprisonné avec l’ennemi, et la guerre est plus sanglante. Je jette loin de moi tous mes habits et me mets à courir par la chambre en criant au secours ! Quel présage pour la nuit ! pensais-je, et je continuais de crier à tue-tête. Un garçon russe arrive, je lui fais comprendre que je veux parler à son maître. Le maître me fait attendre longtemps ; enfin il paraît, et quand je lui apprends le sujet de ma peine, il se met à rire et se retire aussitôt en me disant que je m’y habituerai, car je ne trouverai pas autre chose à Pétersbourg ; il me recommande cependant de ne jamais m’asseoir sur un canapé russe, parce que c’est sur ce meuble que couchent les domestiques qui portent toujours avec eux