Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 1, Amyot, 1846.djvu/305

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grand fossé : Pahlen y fit placer des assassins dans la crainte que la victime n’eût l’idée d’échapper par cette issue.

Voici ce qu’il avait dit aux conjurés la veille au soir : « Ou vous aurez tué l’Empereur demain à 5 heures du matin, ou, à cinq heures et demie vous serez dénoncés par moi à l’Empereur comme conspirateurs. » Le résultat de cette éloquente et laconique harangue n’était pas douteux.

Là-dessus, de peur des repentirs tardifs, il sortit de chez lui pour n’y pas rentrer de la nuit ; et afin d’être bien certain qu’aucun des conjurés ne le retrouverait avant l’exécution, il se mit à parcourir les diverses casernes de la ville : il voulait connaître l’esprit des troupes.

Le lendemain, à cinq heures, Alexandre était Empereur et passait pour parricide ; quoiqu’il n’eût consenti (cette circonstance est vraie, je crois) qu’à faire enfermer son père, pour préserver sa mère de la prison, peut-être de la mort, pour se préserver lui-même d’un sort pareil, pour sauver son pays des fureurs et des caprices d’un autocrate fou.

Aujourd’hui les Russes passent devant le vieux palais Saint-Michel sans oser le regarder : il est défendu de raconter dans les écoles ni ailleurs la mort de l’Empereur Paul, ni même de croire à cet événement relégué parmi les fables.