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Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 1, Amyot, 1846.djvu/332

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servations et de méditations. Cet Empire colossal que je vois se lever tout à coup devant moi à l’orient de l’Europe, de cette Europe où les sociétés souffrent de l’appauvrissement de toute autorité reconnue, me fait l’effet d’une résurrection. Je me crois chez une nation de l’Ancien Testament, et je m’arrête avec un effroi mêlé de curiosité aux pieds du géant antédiluvien.

Ce qu’on voit du premier coup d’œil en entrant au pays des Russes, c’est que la société telle qu’elle est arrangée par eux, ne peut servir qu’à leur usage ; il faut être Russe pour vivre en Russie : et pourtant en apparence tout s’y passe comme ailleurs. Il n’y a de différence que dans le fond des choses.

Ce soir c’était une revue du monde élégant que j’étais allé faire aux îles : le monde élégant est, dit-on, le même partout ; néanmoins je n’ai senti et pensé que des choses particulières : c’est que chaque société a une âme, et que cette âme a beau se laisser endoctriner comme une autre par la fée qu’on appelle civilisation, et qui n’est que la mode de chaque siècle, elle conserve son caractère original.

Ce soir toute la ville de Pétersbourg, c’est-à-dire la cour, y compris sa suite, la domesticité, s’était réunie aux îles, non pour le plaisir désintéressé de la promenade par un beau jour, ce plaisir paraîtrait fade aux courtisans qui font la foule en ce pays ; mais