Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 1, Amyot, 1846.djvu/347

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existent entre les diverses classes de la société, lorsque vous voyez combien ces classes sont encore peu nombreuses, enfin lorsque vous examinez attentivement le fond des mœurs et des choses, vous apercevez une barbarie réelle à peine déguisée sous une magnificence révoltante.

Je ne reproche pas aux Russes d’être ce qu’ils sont ; ce que je blâme en eux, c’est la prétention de paraître ce que nous sommes. Ils sont encore incultes ; cet état laisse du moins le champ libre à l’espérance, mais je les vois incessamment occupés du désir de singer les autres nations, et ils les singent à la façon des singes, en se moquant de ce qu’ils copient. Alors je me dis : voilà des hommes perdus pour l’état sauvage et manqués pour la civilisation, et le terrible mot de Voltaire ou de Diderot, oublié en France, me revient à l’esprit : « Les Russes sont pourris avant que d’être mûrs.

À Pétersbourg, tout a l’air opulent, grand, magnifique, mais si vous jugiez de la réalité d’après cette figure des choses, vous vous trouveriez étrangement déçu ; d’ordinaire le premier effet de la civilisation, c’est de rendre la vie matérielle facile : ici tout est difficile ; une apathie rusée, tel est le secret de la vie du commun des hommes.

Voulez-vous apprendre avec exactitude ce qu’il faut voir dans cette grande ville ? Si Schnitzler ne vous