Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 1, Amyot, 1846.djvu/346

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son travail n’est pas considéré comme la rente du riche qui l’emploie ; mais le serf russe est la chose du seigneur : enrôlé depuis sa naissance jusqu’à sa mort au service d’un même maître, sa vie représente à ce propriétaire de son travail une parcelle de la somme nécessaire à des caprices, à des fantaisies annuelles ; certes, dans un État constitué de la sorte, le luxe n’est plus innocent, il n’a point d’excuse. Toute société où la classe moyenne n’existe pas devrait proscrire le luxe comme un scandale, parce que, dans les pays bien organisés, ce sont les profits que cette classe retire de la vanité des classes supérieures qui motivent et excusent l’opulence des richesses.

Si, comme on le dit, la Russie devient un pays industriel, les rapports du serf avec le possesseur de la terre ne tarderont pas à se modifier ; une population de marchands et d’artisans indépendants s’élèvera entre les nobles et les paysans, mais aujourd’hui elle commence à peine à se former ; elle se recrute encore presque uniquement parmi des étrangers. Les fabricants, les commerçants, les marchands sont presque tous des Allemands.

Il n’est que trop facile ici de se laisser prendre aux apparences de la civilisation. Si vous voyez la cour et les gens qui la grossissent, vous vous croyez chez une nation avancée en culture et en économie politique ; mais lorsque vous réfléchissez aux rapports qui