ront beau faire, la Moscovie tiendra toujours de l’Asie plus que de l’Europe. Le génie de l’Orient plane sur la Russie, qui abdique quand elle se met à marcher à la suite de l’Occident.
Le demi-cercle d’édifices qui correspond au palais Impérial produit, du côté de la place, l’effet d’un amphithéâtre antique manqué ; il faut le regarder de loin ; on n’y voit de près qu’une décoration recrépie tous les ans pour réparer les ravages de l’hiver. Les anciens bâtissaient avec des matériaux indestructibles sous un ciel conservateur ; ici, avec un climat qui détruit tout, on élève des palais de bois, des maisons de planches et des temples de plâtre ; aussi les ouvriers russes passent-ils leur vie à refaire pendant l’été ce que l’hiver a démoli ; rien ne résiste à l’influence de ce climat ; les édifices, même ceux qui paraissent les plus anciens, sont reconstruits d’hier ; la pierre dure ici autant que le mortier et la chaux durent ailleurs. Le fût de la colonne d’Alexandre, ce prodigieux morceau de granit, est déjà lézardé par le froid ; à Pétersbourg il faut employer le bronze pour soutenir le granit, et, malgré tant d’avertissements, on ne se lasse pas d’imiter dans cette ville les monuments des pays chauds ! On peuple les solitudes du pôle de statues, de bas-reliefs destinés à perpétuer l’histoire, sans penser que dans ce pays les monuments vont encore moins loin que le souvenir.