Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 1, Amyot, 1846.djvu/402

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Pour échapper autant que possible à la contrainte qu’il s’impose, il s’agite comme un lion en cage, comme un malade pendant la fièvre ; il sort à cheval. à pied, il passe une revue, fait une petite guerre, voyage sur l’eau, donne une fête, exerce sa marine ; tout cela le même jour ; le loisir est ce qu’on redoute le plus à cette cour ; d’où je conclus que nulle part on ne s’ennuie davantage. L’Empereur voyage sans cesse ; il parcourt au moins quinze cents lieues dans une saison, et il n’admet pas que tout le monde n’ait pas la force de faire ce qu’il fait. L’Impératrice l’aime ; elle craint de le quitter, elle le suit tant qu’elle peut, et elle meurt à la peine ; elle s’est habituée à une vie tout extérieure. Ce genre de dissipation, devenu nécessaire à son esprit, tue son corps.

Une absence si complète de repos doit nuire à l’éducation des enfants, qui exige du sérieux dans les habitudes des parents. Les jeunes princes ne vivent pas assez isolés pour que la frivolité d’une cour toujours en l’air, l’absence de toute conversation intéressante et suivie, l’impossibilité de la méditation, n’influent pas d’une manière fâcheuse sur leur caractère. Quand on pense à la distribution de leur temps, on doute même de l’esprit qu’ils montrent ; comme on craindrait pour l’éclat d’une fleur si sa racine n’était pas dans le terrain qui lui convient. Tout est apparence en Russie, ce qui fait qu’on se défie de tout.