Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 1, Amyot, 1846.djvu/407

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eux l’image du maître suprême ; l’Empereur et la cour apparaissent aux Russes partout où il y a un homme qui obéit à un homme qui commande.

Ailleurs le pauvre est un mendiant ou un ennemi ; en Russie il est toujours un courtisan, il s’y trouve des courtisans à tous les étages de la société ; voilà pourquoi je dis que la cour est partout ; et qu’il y a entre les sentiments des seigneurs russes et des gentilshommes de la vieille Europe, la différence qu’il y a entre la courtisanerie et l’aristocratie : entre la vanité et l’orgueil, l’un tue l’autre : au reste, le véritable orgueil est rare partout presque autant que la vertu. Au lieu d’injurier les courtisans comme Beaumarchais et tant d’autres l’ont fait, il faut plaindre ces hommes qui, quoi qu’on en dise, ressemblent à tous les hommes. Pauvres courtisans !….. ils ne sont pas les monstres des romans ou des comédies modernes ni des journaux révolutionnaires ; ils sont tout simplement des êtres faibles, corrompus et corrupteurs, autant mais pas plus que d’autres qui sont moins exposés à la tentation. L’ennui est la plaie des riches ; toutefois l’ennui n’est pas un crime : la vanité, l’intérêt sont plus vivement excités dans les cours que partout ailleurs, et ces passions y abrégent la vie. Mais si les cœurs qu’elles agitent sont plus tourmentés, ils ne sont pas plus pervers que ceux des autres hommes, car ils n’ont point cherché, ils