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Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 1, Amyot, 1846.djvu/408

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n’ont pas choisi leur condition. La sagesse humaine aurait fait un grand pas si l’on parvenait à faire comprendre à la foule combien elle doit de pitié aux possesseurs des faux biens qu’elle envie.

J’en ai vu qui dansaient à la place même où ils avaient pensé périr sous les décombres et où plus tard d’autres hommes étaient morts ; morts pour amuser la cour au jour fixé par l’Empereur.

Tout cela me paraissait plus extraordinaire encore que beau ; d’irrésistibles réflexions philosophiques attristent pour moi toutes les fêtes, toutes les solennités russes : ailleurs la liberté fait naître une gaieté favorable aux illusions ; ici le despotisme inspire inévitablement la méditation, qui chasse le prestige, car lorsqu’on se laisse aller à penser on ne se laisse guère éblouir.

L’espèce de danse la plus en usage dans ce pays ne dérange pas le cours des idées : on se promène d’un pas solennel et réglé par la musique ; chaque homme mène par la main une femme ; des centaines de couples se suivent ainsi processionnellement à travers des salles immenses, en parcourant tout un palais, car le cortége passe de chambre en chambre et serpente au milieu des galeries et des salons au gré du caprice de l’homme qui le conduit : c’est là ce qu’on appelle danser la polonaise. C’est amusant à voir une fois : mais je crois que, pour les