Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 1, Amyot, 1846.djvu/415

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Un incident assez singulier m’a donné la mesure de la parfaite politesse de l’Empereur.

Pendant le bal, un maître des cérémonies avait indiqué à ceux des étrangers qui paraissaient pour la première fois à cette cour, la place qui leur était réservée à la table du souper. « Quand vous verrez le bal interrompu, nous avait-il dit à chacun, vous suivrez la foule jusque dans la galerie ; là vous trouverez une grande table servie, et alors vous vous dirigerez vers la droite, où vous vous assiérez aux premières places que vous verrez libres. »

Il n’y avait qu’une seule et même table de mille couverts pour le corps diplomatique, les étrangers et toutes les personnes de la cour. Mais en entrant dans la salle, se trouvait à droite et en avant une petite table ronde à huit places.

Un Genevois, jeune homme instruit et spirituel, avait été présenté le soir même, en uniforme de garde national, habit qui d’ordinaire n’est pas agréable aux yeux de l’Empereur ; néanmoins ce jeune Suisse paraissait parfaitement à son aise ; soit suffisance naturelle, soit aisance républicaine, soit enfin simplicité de cœur, il semblait ne songer ni aux personnes qui l’entouraient ni à l’effet qu’il pouvait produire sur elles. J’enviais sa parfaite sécurité que j’étais loin de partager. Nos manières, quoique fort différentes, eu-