Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 1, Amyot, 1846.djvu/73

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qu’elle eut à souffrir dans ses visites, la manière dont elle fut reçue par plusieurs des hommes de cette époque, exigerait de longs récits. Mais je suis forcé de retrancher les détails, parce que je les ignore. Ma mère n’aimait pas à raconter cette partie de sa vie, si glorieuse, mais si douloureuse ; c’était presque la recommencer.

Elle se faisait accompagner dans ses courses par un ami de mon père, costumé en homme du peuple, c’était l’habit de cour du temps ; cet ami, vêtu d’une carmagnole, sans cravate et les cheveux non poudrés, coupés à la Titus, l’attendait ordinairement sur le palier ou dans l’antichambre, quand il y avait une antichambre.

À l’une des dernières séances du tribunal, ma mère, d’un regard, fit pleurer les femmes de la galerie ; pourtant ces mégères ne passaient pas pour avoir le cœur bien tendre. On les appelait furies de guillotine et tricoteuses de Robespierre[1]. Les marques

  1. Sa présence n’a pas toujours produit un résultat aussi favorable. On lit dans un journal du temps, intitulé la Gazette française, papier-nouvelles de tous les jours et de tous les pays. Mercredi, 21 août 1793. L’an 11° de la République : « Custine s’est défendu jusqu’à présent avec beaucoup de présence d’esprit ; sa belle-fille n’a pas peu contribué à intéresser en sa faveur : cette jeune femme, qui est belle autant que sensible, est tous les jours «  « au palais à six heures du matin : là elle attend que son père sorte de sa prison ; elle lui saute au col ; elle lui donne des nou-