Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 1, Amyot, 1846.djvu/77

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grille, rend l’enfant à celle qui l’a prêté, puis à l’instant toutes deux s’éloignent sans se dire un seul mot ; le lieu n’était favorable ni à un remercîment, ni à une explication : elles ne se sont point confié leur secret, elles ne se sont jamais revues : ces deux âmes de mères devaient se retrouver ailleurs.

Mais la jeune femme miraculeusement sauvée ne put sauver son père. Il mourut ! Pour couronner sa vie, le vieux guerrier eut le courage de mourir en chrétien : et cet humble sacrifice, le plus difficile de tous dans un siècle de crimes et de vertus philosophiques lui fut reproché !… Avec la sincérité d’un saint, il écrivait à mon père, la veille de sa mort, qu’il fallait être arrivé au dernier moment pour savoir comment on le supporterait !… Voici sa lettre ; la noblesse et la simplicité de ce langage en diront plus que tous mes commentaires.

« Adieu, mon fils, adieu. Conservez souvenir d’un père qui vit arriver la mort avec tranquillité. Je n’emporte qu’un regret, c’est celui de vous laisser un nom qu’un jugement fera croire un instant coupable de trahison, par quelques hommes crédules. Réhabilitez ma mémoire, quand vous le pourrez ; si vous obteniez mes correspondances ce serait chose bien facile. Vivez pour votre aimable femme, pour votre sœur que j’embrasse ; aimez-vous, aime-moi.