Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 1, Amyot, 1846.djvu/78

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« Je crois que je verrai arriver avec calme ma dernière heure ; au reste il faut y être arrivé.

« Adieu encore, adieu.

« Votre père, votre ami, C. »
28 août, à dix heures du soir, 1793.

Et c’est cette modestie sublime que les aveugles beaux esprits de l’époque ont qualifiée de pusillanimité !…. Mais qui donc l’empêchait de se vanter d’avance, quitte à manquer à sa promesse si la nature venait à trahir sa fierté ? Ce qui l’en empêchait, c’est l’amour de la vérité, poussé jusqu’à l’oubli de l’amour-propre ; sentiment au-dessus de la portée des petites âmes.

Le général Custine, en allant à l’échafaud, baisa le crucifix, qu’il ne quitta qu’au sortir de la fatale charrette. Ce courage religieux ennoblit sa mort autant que le courage militaire avait ennobli sa vie ; mais il scandalisa les Brutus parisiens.

Dans la lettre qu’on vient de lire, ne va-t-il pas jusqu’à prier mon père de réhabiliter sa mémoire ? Naïve et sublime bonne foi d’un soldat, qui pense que l’échafaud de Robespierre peut entacher une renommée ! Quoi de plus touchant que cette autorité supposée au bourreau par la victime ?

La veille de sa mort, mon grand-père revit une dernière fois sa belle-fille ; ma mère, en arrivant près de lui, fut surprise de ne plus le trouver dans son ca-