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Le condamné l’avait reçue dans une salle qui servait d’entrée à plusieurs chambres de la prison. Cette salle commune était assez grande, basse et obscure ; tous deux s’étaient assis près d’une table sur laquelle brûlait une chandelle : un côté de la salle était vitré, et derrière les vitres on entrevoyait la figure des gardiens.

Tout à coup on entend ouvrir une petite porte, jusqu’alors inaperçue ; un homme sort, une lanterne sourde à la main : cet homme, bizarrement costumé, était un prisonnier qui allait en visiter un autre. Il avait pour vêtement une petite robe de chambre ou plutôt une espèce de camisole un peu longue, bordée de peau de cygne, et dont le nom même était ridicule ; des caleçons blancs, des bas et un grand bonnet de coton en pointe orné d’une énorme fontange couleur de feu, complétaient son ajustement : il s’avançait dans la chambre, lentement, à petits pas, glissant comme les courtisans de Louis XV glissaient, sans lever les pieds, lorsqu’ils traversaient la galerie de Versailles.

Quand la figure fut arrivée tout près des deux époux, elle les regarda un instant sans dire mot, et continua son chemin ; ils virent alors que ce vieillard avait du rouge.

Cette apparition, contemplée en silence par les deux jeunes gens, les surprit au milieu de leur dés-