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Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/102

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Pétersbourg est une ville infiniment pittoresque, malgré le mauvais goût de son architecture d’emprunt, malgré la teinte marécageuse des campagnes qui l’environnent, malgré l’absence totale d’accidents dans le terrain et la pâleur des beaux jours d’été sous le terne climat du Nord.

Le peu de mouvement du fleuve aux approches de son embouchure, où très-souvent la mer le force de s’arrêter et même de rebrousser chemin, ajoute encore à la singularité de la scène.

Ne me reprochez pas mes contradictions, je les ai aperçues avant vous sans vouloir les éviter, car elles sont dans les choses ; ceci soit dit une fois pour toutes. Comment vous donner l’idée réelle de ce que je vous dépeins, si ce n’est en me contredisant à chaque mot ! Si j’étais moins sincère je vous paraîtrais plus conséquent : considérez que, dans l’ordre physique comme dans l’ordre moral, la vérité n’est qu’un assemblage de contrastes tellement criants, qu’on dirait que la nature et la société n’ont été créées que pour faire tenir ensemble des éléments qui sans elles devraient s’abhorrer et s’exclure.

Rien n’est triste comme le ciel de Pétersbourg à midi ; mais si le jour est sans éclat sous cette latitude, les soirs, les matins y sont superbes ; c’est alors qu’on voit se répandre dans l’air et sur la glace des eaux presque sans rivages qui continuent le ciel,