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Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/103

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certaines gerbes de lumière, des jets, des bouquets de feu que je n’avais encore aperçus nulle part.

Le crépuscule, qui dure ici les trois quarts de la vie, est riche en accidents admirables ; le soleil d’été, un moment submergé vers minuit, nage longtemps à l’horizon au niveau de la Néva et des basses terres qui la bordent ; il darde dans le vide des lueurs d’incendie qui rendraient belle la nature la plus pauvre ; ce qu’on éprouve à cet aspect, ce n’est pas l’enthousiasme que produit la couleur des paysages de la zone torride, c’est l’attrait d’un rêve, c’est l’irrésistible pouvoir d’un sommeil plein de souvenirs et d’espérances. La promenade des îles à cette heure-là est une véritable idylle. Sans doute il manque beaucoup de choses à ces sites pour en faire de beaux tableaux bien composés, mais la nature a plus de puissance que l’art sur l’imagination de l’homme ; son aspect ingénu suffit sous toutes les zones au besoin d’admiration qu’il a dans l’âme : et comment placerait-il mieux ce sentiment ? Dieu, aux environs du pôle, a beau réduire la terre au dernier degré d’aplatissement et de nudité, malgré cette misère, le spectacle de la création sera toujours pour l’œil de l’homme le plus éloquent interprète des desseins du Créateur. Les têtes chauves n’ont-elles pas leur beauté ? quant à moi, je trouve les sites des environs de Pétersbourg plus que beaux, ils ont un caractère de tristesse sublime,