Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/107

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lâcher dans les secousses du pavé, le conducteur la resserre chemin faisant avec une corde et un bâton qu’il emploie en forme de tourniquet, sans arrêter ni même ralentir son cheval. On voit l’homme pendu à son pan de bois pour en relier avec effort toutes les parties : on dirait d’un écureuil qui se balance à sa corde dans une cage, ou à sa branche dans une forêt, et pendant cette opération silencieuse, la muraille de bois continue silencieusement son chemin dans la rue, qu’elle suit sans encombres, car sous ce gouvernement violent, tout se passe sans heurt, ni paroles ni bruit. C’est que la peur inspire à l’homme une mansuétude calculée, plus égale et plus sûre que la douceur naturelle.

Je n’ai pas vu un seul de ces chancelants édifices s’écrouler pendant les scabreux, et souvent les longs trajets qu’on leur fait faire à travers la ville.

Le peuple russe est souverainement adroit : c’est contre le vœu de la nature que cette race d’hommes a été poussée près du pôle par les révolutions humaines, et qu’elle y est retenue par les nécessités politiques. Qui pénétrerait plus avant dans les vues de la Providence, reconnaîtrait peut-être que la guerre contre les éléments est la rude épreuve à laquelle Dieu a voulu soumettre cette nation marquée par lui pour en dominer un jour beaucoup d’autres. La lutte est l’école de la Providence.