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Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/14

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lancé dans la Néva devant toute la cour doublée de toute la ville : voilà ce qui absorbe mes forces et occupe ma curiosité. Avec des jours ainsi remplis, la correspondance devient impossible.

Quand je vous dis que la ville et la cour réunies ont vu lancer un vaisseau dans la Néva, le plus grand vaisseau qu’elle ait porté, ne vous figurez pas pour cela qu’il y eût foule à cette fête navale ; les quatre ou cinq cent mille hommes qui habitent Pétersbourg sans le peupler, se perdent dans la vaste enceinte de cette ville immense dont le cœur est de granit et d’airain, le corps de plâtre et de mortier, et dont les extrémités sont de bois peint et de planches pourries. Ces planches sont plantées en guise de murailles autour d’un marais désert[1]. Colosse aux pieds d’argile, cette ville d’une magnificence fabuleuse ne ressemble à aucune des capitales du monde civilisé, quoique pour la bâtir on les ait copiées toutes ; mais l’homme a beau aller chercher ses modèles au bout du monde, le sol et le climat sont ses maîtres, ils le forcent à faire du nouveau, même quand il ne voudrait que reproduire l’antique.

  1. Les quais de la Néva sont de granit, la coupole de Saint-Isaac est de cuivre, le palais d’hiver, la colonne d’Alexandre sont de belle pierre, de marbre et de granit, la statue de Pierre Ier est d’airain.