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Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/141

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Je ne crois pas davantage à la probité du mougik. On m’assure avec emphase qu’il ne déroberait pas une fleur dans les jardins de son Czar : là-dessus je ne dispute point ; je sais les miracles qu’on obtient de la peur ; mais ce que je sais aussi, c’est que ce peuple modèle, ce paysan de cour, ne se fait point faute de voler les grands seigneurs ses rivaux d’un jour, si, trop attendris de sa présence au palais et trop confiants dans les sentiments d’honneur du serf ennobli par l’affabilité du prince, ils cessent un instant de veiller sur les mouvements de ses mains.

Hier au bal Impérial et populaire du palais de Péterhoff, l’ambassadeur de Sardaigne a eu sa montre fort adroitement enlevée du gousset, malgré la chaîne de sûreté qui devait la défendre. Beaucoup de personnes ont perdu dans la bagarre leurs mouchoirs et d’autres objets. On m’a pris à moi une bourse garnie de quelques ducats, et je me suis consolé de cette perte en riant sous cape des éloges prodigués à la probité de ce peuple par ses seigneurs. Ceux-ci savent bien ce que valent leurs belles phrases ; mais je ne suis pas fâché de le savoir aussi bien qu’eux.

En voyant tant de finesses inutiles, je cherche les dupes de ces puérils mensonges, et je m’écrie comme Basile : « Qui trompe-t-on ici ? tout le monde est dans le secret.

Les Russes ont beau dire et beau faire, tout obser-