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Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/202

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brillant, doré, magnifique ; il n’y manque rien….. que la liberté, c’est-à-dire la vie.

L’Empereur doit souffrir d’un tel état de choses. Quiconque est né pour commander aime l’obéissance sans doute ; mais l’obéissance d’un homme vaut mieux que celle d’une machine : le mensonge est si près de la servilité, qu’un prince entouré de complaisants ignorera toujours tout ce qu’on espérera lui pouvoir cacher ; il est donc condamné à douter de chaque parole, à se défier de chaque homme. Tel est le lot d’un maître absolu ; il aurait beau se montrer bon et vouloir vivre en homme, la force des choses le ferait insensible malgré lui ; il occupe la place d’un despote, force lui est d’en subir la destinée, d’en adopter les sentiments ou du moins d’en jouer le rôle.

Le mal de la dissimulation s’étend ici plus loin qu’on ne pense : la police russe, si alerte pour tourmenter les gens, est lente à les éclairer quand ils s’adressent à elle afin de s’éclaircir d’un fait douteux.

Voici un exemple de cette inertie calculée : au dernier carnaval, une femme de ma connaissance avait permis à sa femme de chambre de sortir le dimanche gras ; la nuit venue, cette fille ne rentre pas. Le lendemain matin, la dame très-inquiète envoie prendre des renseignements à la police[1].

  1. Je me crois obligé de changer quelques circonstances et de