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Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/209

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Voici pourtant une scène tumultueuse de laquelle le hasard m’a rendu témoin ce matin :

Je passais le long d’un canal couvert de bateaux chargés de bois. Des hommes transportaient ce bois à terre pour l’élever en forme de murailles sur leurs charrettes ; je vous ai décrit ailleurs cette espèce de rempart mouvant, qui traverse les rues au pas des chevaux. Un des portefaix occupé à tirer le bois de la barque pour le brouetter jusqu’à la charrette, se prend de querelle avec ses camarades ; et tous se mettent à se battre franchement comme des crocheteurs de chez nous. L’agresseur se sentant le plus faible a recours à la fuite : il grimpe avec la souplesse d’un écureuil au grand mât du bateau ; jusque-là je trouvais la scène amusante : perché sur une vergue, le fuyard défie ses adversaires moins lestes que lui. Ces hommes se voyant trompés dans leur espoir de vengeance, oublient qu’ils sont en Russie, passent toutes les bornes de leur politesse, c’est-à-dire de leur prudence accoutumée, manifestent leur fureur par des redoublements de cris et des menaces sauvages.

Il y a de distance en distance dans toutes les rues de la ville des agents de police en uniforme ; deux de ces espèces de sergents de ville, attirés par les vociférations des combattants, arrivent sur le théâtre de la querelle et somment le principal coupable de des-