Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/208

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

longtemps pour assister au châtiment. Une nation gouvernée chrétiennement protesterait contre cette discipline sociale qui détruit toute liberté individuelle. Mais ici l’influence du prêtre se borne à obtenir du peuple et des grands des signes de croix et des génuflexions.

Malgré le culte du Saint-Esprit, cette nation a toujours son Dieu sur la terre. Comme Bati, comme Tamerlan, l’Empereur de Russie est idolâtré de ses sujets ; la loi russe n’est point baptisée.

J’entends tous les jours vanter les allures douces, l’humeur pacifique, la politesse du peuple de Saint-Pétersbourg. Ailleurs, j’admirerais ce calme ; ici je le regarde comme le symptôme le plus effrayant du mal dont je me plains. On tremble au point de dissimuler sa crainte sous une tranquillité satisfaisante pour l’oppresseur et rassurante pour l’opprimé. Les vrais tyrans veulent qu’on sourie. Grâce à la terreur qui plane sur toutes les têtes, la soumission sert à tout le monde : victimes et bourreaux, tous croient avoir intérêt à l’obéissance qui perpétue le mal qu’ils infligent et le mal qu’ils subissent.

On sait que l’intervention de la police entre gens qui se querellent, exposerait les combattants à des punitions bien plus redoutables que les coups qu’ils se portent en silence : et l’on évite le bruit parce que la colère qui éclate appellerait le bourreau qui punit.