Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/214

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le joindre à ma lettre, pendant que les moindres circonstances de la scène m’étaient encore présentes à la pensée[1].

Si de pareils détails pouvaient se publier à Pétersbourg avec les commentaires indispensables pour les faire remarquer par des esprits blasés sur tous les genres de férocité et d’illégalités, ils ne produiraient pas le bien qu’on s’en pourrait promettre. L’administration russe s’arrangerait de manière à ce que la police de la ville affectât dorénavant plus de douceur dans ses rapports avec les hommes du peuple, ne fût-ce que par respect pour les yeux délicats des étrangers : voilà tout !… Les mœurs d’un peuple sont le produit lent de l’action réciproque des lois sur les usages et des usages sur les lois ; elles ne se changent pas d’un coup de baguette. Celles des Russes, malgré toutes les prétentions de ces demi-sauvages, sont et resteront encore longtemps cruelles. Il n’y a guère plus d’un siècle qu’ils étaient de vrais Tatares ; c’est Pierre le Grand qui a commencé à forcer les hommes d’introduire les femmes dans les assemblées : et sous leur élégance moderne, plusieurs de ces parvenus de la civilisation ont conservé la peau de l’ours,

  1. Il n’est pas inutile de répéter que cette lettre, comme presque toutes les autres, a été conservée et cachée avec soin pendant tout le temps de mon séjour en Russie.