Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/245

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de juger sera toujours d’exposer dans leur ordre les épreuves qui l’ont provoquée et motivée.

C’est aujourd’hui que j’ai lu l’histoire de Telenef, c’est également sous cette date que vous la lirez.

Le grand poëte qui préside à nos destinées connaît mieux que nous l’importance des préparations pour l’effet du drame de la vie. Un voyage est un drame, sans art, à la vérité, mais qui, pour rester au-dessous des règles de la composition littéraire, n’en a pas moins un but philosophique et moral, une espèce de dénoûment dénué d’artifice, non d’intérêt ni d’utilité : ce dénoûment tout intellectuel consiste dans la rectification d’une foule de préjugés et de préventions. L’homme qui voyage se soumet à une sorte d’opération morale exercée sur son intelligence par la bienfaisante justice de Dieu, qui se manifeste dans le spectacle du monde ; l’homme qui écrit son voyage y soumet le lecteur.

Le jeune Russe, auteur de ce fragment, voulant justifier par le souvenir des horreurs de notre révolution la férocité des hommes de son pays, a cité chez nous un acte de cruauté : le massacre de M. de Belzunce à Caen. Il aurait pu grossir sa liste : mademoiselle de Sombreuil forcée de boire un verre de sang pour racheter la vie de son père, la mort héroïque de l’archevêque d’Arles et de ses glorieux compagnons de martyre dans le cloître des Carmes à Paris, les mi-