Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/247

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

hommes militairement, religieusement, sans colère, sans émotion, sans paroles, avec un calme plus terrible que le délire de la haine. Ils se heurtent, se renversent, s’écrasent, ils se passent sur le corps les uns des autres comme des mécaniques tournent régulièrement sur leurs pivots. Cette impassibilité physique au milieu des actes les plus violents, cette monstrueuse audace dans la conception, cette froideur dans l’exécution, ce silence de la rage, ce fanatisme muet, c’est, si l’on peut s’exprimer ainsi, le crime consciencieux ; un certain ordre contre nature préside dans cet étonnant pays aux excès les plus inouïs ; la tyrannie et la révolte y marchent en mesure et se règlent sur le pas l’une de l’autre.

Ici la terre même, l’aspect monotone des campagnes inspirent la symétrie : l’absence complète de mouvement dans un terrain partout uni et le plus souvent nu, le manque de variété dans la végétation toujours pauvre des terres septentrionales, le défaut absolu d’accidents pittoresques dans d’éternelles plaines où l’on dirait qu’un seul site obsède le voyageur et le poursuit comme un rêve d’une extrémité de l’Empire à l’autre ; enfin, tout ce que Dieu n’a pas fait pour ce pays y concourt à l’imperturbable uniformité de la vie politique et sociale des hommes.

Comme tout se ressemble, l’immense étendue du territoire n’empêche pas que tout ne s’exécute d’un