Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/25

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qu’on danse à Pétersbourg sont moins gaies et moins gracieuses que les vraies danses de Varsovie. La gravité russe ne pourrait s’accommoder de la vivacité, de la verve et de l’abandon des danses vraiment polonaises.

Sous les ombrages parfumés de la galerie que je vous ai décrite, l’Impératrice venait se reposer après chaque polonaise ; elle trouvait là un abri contre la chaleur du jardin illuminé, dont l’air, pendant cette orageuse nuit d’été, était tout aussi étouffant que celui de l’intérieur du palais.

Dans cette fête, j’ai eu le loisir de comparer les deux pays, et mes observations n’étaient pas à l’avantage de la France. La démocratie doit nuire à l’ordonnance d’une grande assemblée ; la fête du palais Michel s’embellissait de tous les hommages, de tous les soins dont la souveraine était l’objet. Il faut une reine aux divertissements élégants, mais l’égalité a tant d’autres avantages qu’on peut bien lui sacrifier le luxe des plaisirs ; c’est ce que nous faisons en France avec un désintéressement méritoire ; seulement je crains que nos arrière-neveux n’aient changé d’avis quand le temps sera venu de jouir des perfectionnements préparés pour eux par des grands-pères trop généreux. Qui sait alors si ces générations, détrompées, ne diront pas en parlant de nous : « Séduits par une éloquence fausse, ils furent vaguement fa-