Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/252

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nes de Vologda[1], où sa manière d’exercer l’autorité seigneuriale le faisait exécrer.

Mais Telenef avait une fille charmante nommée Xenie[2] : la douceur de cette jeune personne était une vertu infuse, car ayant de bonne heure perdu sa mère, elle ne reçut d’éducation que celle que son père lui pouvait donner. Il lui enseigna le français : elle apprit pour ainsi dire par cœur quelques classiques du siècle de Louis XIV oubliés dans le château de Vologda par le père du prince. La Bible en français, les Pensées de Pascal, Télémaque, étaient ses livres favoris ; quand on lit peu d’auteurs, qu’on les choisit bien, et qu’on les relit souvent, on profite beaucoup de ses lectures. Une des causes de la frivolité des esprits modernes, c’est la quantité de livres plutôt mal lus que mal écrits, dont le monde est inondé. Un service à rendre aux générations à venir, ce serait de leur apprendre à lire, talent qui devient de plus en plus rare depuis que tout le monde sait écrire…..

Grâce à sa réputation de savante, Xenie à dix-neuf ans jouissait dans tout le gouvernement de d’une considération méritée. On venait la consulter de tous les villages voisins ; dans les maladies, dans les affaires, dans les chagrins des pauvres paysans, Xenie était leur guide et leur appui.

  1. Nom substitué au véritable.
  2. Ce joli nom est celui d’une sainte russe.