Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/263

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quins sont assez riches pour offrir de tels présents à l’Empereur ; et avec nous ils font les mendiants, et ils n’ont pas honte de dire que nous les dépouillons de tout, tandis que si nous avions plus de bon sens et moins de bonté, nous leur ôterions jusqu’à la corde avec laquelle ils nous étrangleront.

— Vous n’en aurez pas le temps, monsieur l’intendant, » dit d’une voix très-basse et très-douce un jeune homme qui s’était approché sans être vu, et se tenait debout d’un air sauvage, mais non timide, la toque à la main devant une cépée d’osiers, du milieu de laquelle on le vit sortir comme par enchantement.

« Ah ! c’est toi… vaurien ! s’écria Telenef.

— Fedor, tu ne dis rien à ta sœur de lait, interrompit Xenie ; tu m’avais tant promis de ne pas m’oublier !!!… Moi, j’ai tenu parole mieux que toi ; car je n’ai pas omis un seul jour ton nom dans ma prière, là, au fond de la chapelle, devant l’image de saint Wladimir, qui me rappelait ton départ. T’en sou vient-il ? c’est dans cette chapelle que tu m’as dit adieu, il y a bientôt un an. »

En achevant ces mots, elle jeta sur son frère un regard de tendresse et de reproche dont la douceur et la sévérité avaient une grande puissance.

« Moi vous oublier ! » s’écria le jeune homme en levant les yeux vers le ciel.