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Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/277

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— Jamais. »

Pendant la marche précipitée des fugitifs, la clarté de l’incendie croissait en silence, et du bord de l’horizon, où d’abord on l’avait vue poindre, elle s’étendait déjà dans le ciel ; pas un cri, pas un coup de fusil, pas un tintement de cloche, ne trahissait l’approche du désordre, c’était un massacre muet. Ce calme d’une belle nuit favorisant tant de meurtres, cette conspiration doublement formidable par le secret avec lequel elle avait été ourdie[1] et par l’espèce de complicité de la nature, qui semblait assister avec plaisir aux apprêts du carnage, remplissaient l’âme d’épouvante. C’était comme un jugement de Dieu. La Providence pour les punir laissait faire les hommes.

« Tu n’abandonneras pas ta sœur, continua Xenie en frissonnant.

— Non, mademoiselle ; mais, une fois tranquille sur votre vie, j’irai me livrer moi-même.

— J’irai avec toi, reprit la jeune fille en lui serrant le bras convulsivement ; je ne te quitte plus. Tu crois donc que la vie était tout pour moi ? »

En ce moment les fugitifs virent défiler devant eux à la lueur des étoiles un cortége d’ombres silencieuses et terribles. Ces figures passaient tout au plus à une centaine de pas de Xenie. Fedor s’arrêta.

  1. Historique.