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Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/276

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les nôtres vont surprendre la garnison qui n’est composée que de quelques vétérans. Nous sommes les plus forts ; j’ai pensé qu’on pouvait se passer de moi pour la première expédition ; alors j’ai manqué sciemment à mon devoir, j’ai trahi la cause sainte, déserté le bataillon sacré pour courir au lieu où je savais que je trouverais votre père ; averti à temps par moi, Telenef s’est réfugié dans une cabane dépendante des domaines de la couronne. Mais maintenant je crains qu’il ne soit trop tard pour vous cacher, dit-il en l’entraînant toujours vers la retraite qu’il lui avait choisie. L’espoir de sauver votre père m’a fait perdre un temps précieux pour vous ; je croyais vous obéir, et je pensais que vous ne me reprocheriez pas le retard ; d’ailleurs, vous êtes moins exposée que Telenef, et nous vous sauverons encore, je l’espère.

— Oui, mais toi, toi, tu t’es perdu, dit la mère d’un ton douloureux, et que le silence qu’elle vient de s’imposer rend plus passionné.

— Perdu ! interrompit Xenie, mon frère s’est perdu pour moi !

— N’a-t-il pas déserté à l’heure du combat ? reprit la vieille ; il est coupable, on le tuera.

— J’ai mérité la mort.

— Et je serais cause d’un tel malheur ! s’écrie Xenie, non, non, tu fuiras, tu te cacheras avec moi.