Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/296

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civilisé de la terre si l’on n’y voulait voir que les palais.

Achevons notre tâche :

Quand le père eut cessé de souffrir, on voulut, selon le programme de la bacchanale, égorger aussi la fille : un des exécuteurs s’approche pour saisir Xenie par ses cheveux, qui flottaient épars et descendaient jusque sur les épaules ; mais elle est roide et froide : pendant et depuis le supplice de son père, elle n’a pas fait un mouvement, elle n’a pas proféré une parole.

Fedor, par une révolution surnaturelle qui s’opère en lui, retrouve toute sa force et sa présence d’esprit ; il brise miraculeusement ses liens, s’arrache des mains de ses gardiens, se précipite vers sa bien-aimée sœur, la presse dans ses bras, l’enlève de la terre et la serre longtemps contre son cœur ; puis, la reposant sur l’herbe avec respect, il s’adresse aux bourreaux d’un air calme, de ce calme apparent naturel aux Orientaux, même dans les moments les plus tragiques de la vie.

— Vous ne la toucherez pas, Dieu a étendu sa main sur elle ; elle est folle.

— Folle !! répond la foule superstitieuse : Dieu est avec elle !

— C’est lui, le traître, c’est son amant qui lui a conseillé de contrefaire la folle !! non, non, il faut en