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Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/323

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liberté[1]. Ce qui leur paraît le plus difficile, et ce qui leur est le moins naturel, c’est d’occuper sérieusement leur intelligence et de fixer leur imagination, afin de l’exercer utilement : toujours enfants, ils pourront pour un moment être conquérants dans le domaine du sabre : ils ne le seront jamais dans celui de la pensée ; or, un peuple qui n’a rien à enseigner aux peuples qu’il veut subjuguer, n’est pas longtemps le plus fort.

« Physiquement même les paysans français et anglais sont plus robustes que les Russes : ceux-ci sont plus agiles que musculeux, plus féroces qu’énergiques, plus rusés qu’entreprenants ; ils ont le courage passif, mais ils manquent d’audace et de persévérance : l’armée, si remarquable par sa discipline et par sa bonne tenue les jours de parade, est composée, à l’exception de quelques corps d’élite, d’hommes bien habillés quand ils se montrent en public, mais tenus salement lorsqu’ils restent dans l’intérieur des casernes. Le teint hâve des soldats trahit la souffrance et la faim ; car les fournisseurs volent ces malheureux, qui ne sont pas assez payés pour subvenir à leurs besoins, en prélevant sur leur solde de quoi se mieux nourrir : les deux campagnes de Turquie ont assez montré la faiblesse du colosse : bref, une société qui n’a pas goûté de la liberté en naissant,

  1. Voir le portrait des Russes, lettre trente-deuxième, Moscou ; et plus loin, au résumé du voyage.