Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/322

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Ces hommes disent que je m’exagère la puissance russe, que chaque société a ses fatalités, que le destin de celle-ci est de pousser ses conquêtes vers l’Orient, puis de se diviser elle-même. Ces esprits qui s’obstinent à ne pas croire au brillant avenir des Slaves conviennent avec moi des heureuses et aimables dispositions de ce peuple ; ils reconnaissent qu’il est doué de l’instinct du pittoresque ; ils lui accordent le sentiment musical ; ils concluent que ces dispositions peuvent l’aider à cultiver les beaux-arts jusqu’à un certain point, mais qu’elles ne suffisent pas à réaliser les prétentions dominatrices que je lui attribue ou que je suppose à son gouvernement. « Le génie scientifique manque aux Russes, ajoutent-ils ; ils n’ont jamais montré de puissance créatrice ; n’ayant reçu de la nature qu’un esprit paresseux et superficiel, s’ils s’appliquent, c’est par peur plus que par penchant ; la peur les rend aptes à tout entreprendre, à ébaucher tout ; mais aussi elle les empêche d’aller loin sur aucune route ; le génie est de sa nature hardi comme l’héroïsme, il vit de liberté, tandis que la peur et l’esclavage n’ont qu’un règne et une sphère bornés comme la médiocrité dont ils sont les armes. Les Russes, bons soldats, sont mauvais marins ; en général, ils sont plus résignés que réfléchis, plus religieux que philosophes, ils ont plus d’obéissance que de volonté ; leur pensée manque de ressort comme leur âme de