Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/336

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Ces Russes mal élevés et déjà bien endoctrinés, bien habillés, tranchants, sûrs d’eux-mêmes, suivent au pas de charge l’élégance de l’Europe, sans savoir que l’élégance des habitudes n’a de prix qu’autant qu’elle annonce quelque chose de mieux dans le cœur de ceux qui la possèdent ; apprentis de la mode, ils prennent l’apparence pour la chose : ce sont des ours façonnés qui me font regretter les ours bruts ; ils ne sont pas encore des hommes cultivés, qu’ils sont déjà des sauvages gâtés.

Puisque la Sibérie existe, et qu’on en fait parfois l’usage que vous savez, je voudrais la peupler de jeunes officiers ennuyés et de belles dames qui ont mal aux nerfs. « Vous demandez des passe-ports pour Paris, en voici pour Tobolsk.

Voilà comment je voudrais que l’Empereur remédiât à la manie des voyages qui fait d’effrayants progrès en Russie parmi les sous-lieutenants à imagination et les femmes vaporeuses.

Si en même temps il reportait le siége de son Empire à Moscou, il aurait réparé le mal causé par Pierre le Grand autant qu’un homme peut atténuer les erreurs des générations.

Pétersbourg, cette ville bâtie contre la Suède plus encore que pour la Russie, ne devait être qu’un port de mer, un Dantzick russe : au lieu de cela, Pierre Ier construisit à ses boyards une loge sur l’Europe ; il