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Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/338

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hommes pour faire l’avenir n’annulent point le passé ; ils l’acceptent afin d’en modifier les conséquences. Loin de continuer à diviniser cet ennemi de leur naturel, les Russes devraient lui reprocher d’avoir annulé leur caractère ; c’est lui dont l’influence, perpétuée par l’admiration irréfléchie de la postérité, les empêche encore aujourd’hui de produire dans les arts et les sciences un homme digne de faire époque chez les peuples étrangers[1]. Un législateur comme Confucius ne pouvait venir à la suite d’un réformateur tel que le charpentier de Saardenham, et tel que le voyageur capricieux dont l’Europe d’alors avait vu la barbarie avec effroi, tout en admirant la force prodigieuse cachée sous cette rude écorce. Ce missionnaire couronné força un moment la nature, parce qu’il le pouvait, mais c’est tout ce qu’il pouvait….. S’il avait été dans sa vie ce qu’il est devenu dans l’histoire, grâce à la superstition des peuples et à l’exagération des écrivains, qu’aurait-il fait ? il eût attendu ; et, par cette patience, il eût mérité son brevet de grand homme : il a mieux aimé l’obtenir d’avance et se faire canoniser de son vivant.

Toutes ses idées avec les défauts de caractère dont elles étaient la conséquence ont encore été exagérées sous les règnes suivants ; l’Empereur Nicolas le pre-

  1. Les Russes, superficiels en tout, ne sont profonds que dans l’art de feindre.