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Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/339

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mier commence à remonter le torrent en rappelant les Russes à eux-mêmes : c’est une entreprise que le monde admirera quand il aura reconnu la fermeté de l’esprit qui l’a conçue. Après des règnes comme ceux de Catherine et de Paul, refaire de la Russie, telle que l’avait laissée l’Empereur Alexandre, un Empire russe, parler russe, penser en Russe, avouer qu’on est Russe de cœur, tout en présidant une cour de grands seigneurs héritiers des favoris de la Sémiramis du Nord : c’est hardi… Quel que soit le succès d’un tel plan, il honorera celui qui l’a tracé.

Les courtisans du Czar n’ont nuls droits reconnus et assurés, il est vrai ; mais ils sont toujours forts contre leurs maîtres par les traditions perpétuées dans le pays ; heurter de front les prétentions de ces hommes, se montrer dans le cours d’un règne déjà long aussi courageux contre d’hypocrites amis qu’on le fut contre des soldats révoltés, c’est assurément le fait d’un souverain fort supérieur : cette double lutte du maître contre ses esclaves furieux et contre ses impérieux courtisans est un beau spectacle : l’Empereur Nicolas tient ce qu’il a promis le jour de son avénement au trône ; et certes, c’est dire beaucoup, car aucun prince n’a hérité du pouvoir dans des circonstances plus critiques, nul n’a fait face à un plus imminent péril avec plus d’énergie et de grandeur d’âme !…