Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/346

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un coin : c’est pour respecter la loi religieuse, qui veut que l’autel grec soit invariablement tourné au levant. La rue dite la Perspective n’étant pas dirigée de manière à obéir à ce règlement, on a mis l’église de travers ; les gens de l’art ont eu le dessous, les fidèles l’ont emporté, et l’un des plus beaux monuments de la Russie a été gâté par la superstition.

L’église de Smolna est la plus grande et la plus magnifique de toutes celles de Pétersbourg : elle appartient à une congrégation, c’est une espèce de chapitre de femmes et de filles fondé par l’Impératrice Anne. Des bâtiments énormes sont destinés à loger ces dames. En parcourant l’enceinte de ce noble asile, de ce cloître, grand comme une ville, mais dont l’architecture serait plus appropriée à un établissement militaire qu’à une congrégation, on ne sait où l’on est ; ce qu’on voit n’est ni palais ni couvent : c’est une caserne de femmes.

En Russie, tout est soumis au régime militaire ; la discipline de l’armée règne dans le chapitre des dames de Smolna.

Près de là, on voit le petit palais de la Tauride bâti en quelques semaines par Potemkin, pour Catherine : palais élégant, mais abandonné ; or, dans ce pays, ce qui est abandonné est bientôt détruit, car les pierres mêmes n’y durent qu’à condition qu’on les soigne.