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Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/359

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Schlusselbourg, mais non pour le gouverneur du château ! En me reconduisant jusqu’à l’antichambre, il me promit qu’un sous-officier serait à ma porte le lendemain dès quatre heures du matin.

Je ne dormis pas ; j’étais frappé d’une idée qui vous paraîtra folle : de l’idée que mon protecteur pourrait devenir mon bourreau. Si cet homme, au lieu de me conduire à Schlusselbourg à dix-huit lieues de Pétersbourg, exhibe au sortir de la ville l’ordre de me déporter en Sibérie pour m’y faire expier ma curiosité inconvenante, que ferai-je, que dirai-je ? il faudra commencer par obéir ; et plus tard, en arrivant à Tobolsk, si j’y arrive, je réclamerai !… la politesse ne me rassure pas, au contraire ; car je n’ai point oublié les caresses d’Alexandre à l’un de ses ministres saisi par le feldjæger au sortir même du cabinet de l’Empereur, qui avait donné l’ordre de le conduire en Sibérie, à partir du palais, sans le ramener un seul instant chez lui. Bien d’autres exemples d’exécutions de ce genre venaient justifier mes pressentiments et me troubler l’imagination.

La qualité d’étranger n’est pas non plus une garantie suffisante[1] ?  : je me retraçais les circonstances de l’enlèvement de Kotzebue qui, au commencement

  1. Voyez dans l’Appendice, tome IV, l’histoire de l’emprisonnement d’un Français à Moscou.