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Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/47

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merveille qu’un Empereur applaudi chez lui par un parterre de courtisans choisis ! En Russie la vraie flatterie, ce serait l’apparence de l’indépendance. Les Russes n’ont pas découvert ce moyen détourné de plaire : à la vérité, l’emploi en pourrait parfois devenir périlleux, malgré l’ennui que la servilité des sujets doit causer au prince.

La soumission obligée qu’il rencontre habituellement est cause que l’Empereur actuel n’a éprouvé que deux jours en sa vie la satisfaction de mesurer sa puissance personnelle sur la foule assemblée, et c’était dans des émeutes. Il n’y a d’homme libre en Russie que le soldat révolté.

Vu du point où je me trouvais, et qui faisait à peu près le milieu entre les deux théâtres, la scène et la cour, l’Empereur me paraissait digne de commander aux hommes, tant il avait un grand air, tant sa figure est noble et majestueuse. Aussitôt je me suis rappelé sa conduite au moment où il est monté sur le trône, et cette belle page d’histoire m’a distrait du spectacle auquel j’assistais.

Ce que vous allez lire m’a été dit il y a peu de jours par l’Empereur lui-même ; si je ne vous ai pas raconté cette conversation dans ma dernière lettre, c’est parce que les papiers qui contiendraient de pareils détails ne peuvent se confier à la poste russe ni même à aucun voyageur.