Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/54

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— Votre Majesté a deviné ce qui convenait à la Russie mieux qu’aucun de ses prédécesseurs.

— Le despotisme existe encore en Russie, puisque c’est l’essence de mon gouvernement ; mais il est d’accord avec le génie de la nation.

— Sire, vous arrêtez la Russie sur la route de l’imitation, et vous la rendez à elle-même.

— J’aime mon pays, et je crois l’avoir compris ; je vous assure que lorsque je suis bien las de toutes les misères du temps, je cherche à oublier le reste de l’Europe en me retirant vers l’intérieur de la Russie.

— Pour vous retremper à votre source ?

— Précisément ! Personne n’est plus Russe de cœur que je le suis. Je vais vous dire une chose que je ne dirais pas à un autre, mais je sens que vous me comprenez, vous. »

Ici l’Empereur s’interrompt et me regarde attentivement ; je continue d’écouter sans répliquer ; il poursuit :

« Je conçois la république, c’est un gouvernement net et sincère, ou qui du moins peut l’être ; je conçois la monarchie absolue, puisque je suis le chef d’un semblable ordre de choses, mais je ne conçois pas la monarchie représentative. C’est le gouvernement du mensonge, de la fraude, de la corruption ; et j’aimerais mieux reculer jusqu’à la Chine, que de l’adopter jamais.