Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/55

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— Sire, j’ai toujours regardé le gouvernement représentatif comme une transaction inévitable dans certaines sociétés, à certaines époques, mais, ainsi que toutes les transactions, elle ne résout aucune question : elle ajourne les difficultés. »

L’Empereur semblait me dire : parlez. Je continuai :

« C’est une trêve signée entre la démocratie et la monarchie sous les auspices de deux tyrans fort bas : la peur et l’intérêt ; et prolongée par l’orgueil de l’esprit qui se complaît dans la loquacité et par la vanité populaire qui se paie de mots. Enfin, c’est l’aristocratie de la parole substituée à celle de la naissance, car c’est le gouvernement des avocats.

— Monsieur, vous parlez avec vérité, me dit l’Empereur en me serrant la main ; j’ai été souverain représentatif[1] et le monde sait ce qu’il m’en a coûté pour n’avoir pas voulu me soumettre aux exigences de cet infâme gouvernement (je cite littéralement). Acheter des voix, corrompre des consciences, séduire les uns afin de tromper les autres ; tous ces moyens, je les ai dédaignés comme avilissants pour ceux qui obéissent autant que pour celui qui commande, et j’ai payé cher la peine de ma franchise ; mais Dieu soit loué, j’en ai fini pour toujours avec cette odieuse

  1. En Pologne.