Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/57

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la feinte. Vous appellerez cela de la niaiserie, c’en est peut-être, mais je me complais dans cette faiblesse d’esprit parce qu’elle tient à de la force d’âme ; ma bonne foi me fait croire à la sincérité d’autrui, même à celle d’un Empereur de Russie.

La beauté de celui-ci est encore pour lui un moyen de persuasion : car cette beauté est morale autant que physique. J’en attribue l’effet à la vérité des sentiments qui se peignent habituellement sur sa physionomie, encore plus qu’à la régularité des traits de son visage. C’est à une fête chez la duchesse d’Oldenbourg que j’eus avec l’Empereur cette intéressante conversation. C’était un bal singulier et qui mérite encore de vous être décrit.

La duchesse d’Oldenbourg, née princesse de Nassau, est alliée de très-près à l’Empereur par son mari ; elle avait voulu donner une soirée à l’occasion du mariage de la grande-duchesse Marie ; mais, ne pouvant renchérir sur les magnificences des fêtes précédentes ni rivaliser de richesse avec la cour, elle imagina d’improviser un bal champêtre dans sa maison des îles.

L’archiduc d’Autriche, arrivé depuis deux jours pour assister aux fêtes de Pétersbourg, les ambassadeurs du monde entier (singuliers acteurs pour jouer une pastorale), toute la Russie enfin et tous les plus grands seigneurs étrangers, ayant eu soin de prendre