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Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/56

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machine politique. Je ne serai plus roi constitutionnel. J’ai trop besoin de dire ce que je pense pour consentir jamais à régner sur aucun peuple par la ruse et par l’intrigue. »

Le nom de la Pologne, qui se présentait incessamment à nos esprits, n’a pas été prononcé dans ce curieux entretien.

L’effet qu’il a produit sur moi fut grand ; je me sentais subjugué : la noblesse des sentiments que l’Empereur venait de me montrer, la franchise de ses paroles me paraissaient donner un grand relief à sa toute-puissance, j’étais ébloui, je l’avoue !  ! Un homme qui, malgré mes idées d’indépendance, se faisait pardonner d’être souverain absolu de soixante millions d’hommes, était à mes yeux un être au-dessus de la nature, mais je me défiais de mon admiration, j’étais comme les bourgeois de chez nous lorsqu’ils se sentent près de se laisser prendre à la grâce, à l’adresse des hommes d’autrefois ; leur bon goût les porte à s’abandonner à l’attrait qu’ils éprouvent, mais leurs principes résistent ; ils demeurent roides et paraissent le plus insensibles qu’ils peuvent ; c’est une lutte semblable que je soutenais. Il n’est pas dans ma nature de douter de la parole humaine au moment où je l’entends. Un homme qui parle est pour moi l’instrument de Dieu : ce n’est qu’à force de réflexion et d’expérience que je reconnais la possibilité du calcul et de