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Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/61

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d’une Impératrice est de s’amuser à la mort Celle-ci remplira sa charge comme les autres esclaves remplissent la leur : elle dansera tant qu’elle pourra.

Cette princesse allemande, victime d’une frivolité qui doit lui paraître pesante, comme les chaînes aux prisonniers, jouit en Russie d’un bonheur rare dans tous les pays, dans toutes les conditions, et unique dans la vie d’une impératrice : elle a une amie.

Je vous ai déjà parlé de cette dame. C’est la baronne de***, née comtesse de***. Depuis le mariage de l’Impératrice, ces deux femmes, dont les destinées sont si différentes, ne se sont presque jamais quittées. La baronne, d’un caractère sincère, d’un cœur dévoué, n’a pas profité de sa faveur ; l’homme qu’elle a épousé est un des officiers de l’armée auxquels l’Empereur doit le plus, car le baron lui a sauvé la vie le jour de l’émeute de l’avénement au trône, en s’exposant pour lui avec un dévouement non calculé. Rien ne peut payer un tel acte de courage, aussi ne le paie-t-on pas.

D’ailleurs, en fait de reconnaissance, les princes ne comprennent que celle qu’ils inspirent, encore n’y tiennent-ils guère, car ils prévoient toujours l’ingratitude. La reconnaissance les déconcerte dans leurs calculs d’esprit plus qu’elle ne les console dans leurs peines de cœur. C’est une leçon qu’ils n’aiment pas à recevoir ; il leur paraît plus commode et plus simple